En surfant du côté de bakchich.info (1), je découvre un rapport sur les scénarios noirs qui attendent – et qui frappent déjà – la France. Un rapport livré le 28 mars 2006 par le groupe Futuribles (2) au Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire. Ce rapport a semble-t-il été enterré depuis.
Le premier scénario envisagé par Futuribles évoque un état récessif et graduel, un déclin progressif que rien ne paraît de nature à enrayer, une économie atone, un chômage endémique, des institutions publiques réduites à l’impuissance ; une multiplication des niveaux d’administration publique et un double processus de décentralisation et de déconcentration, l’un et l’autre largement inachevés qui forment un maquis dans lequel les acteurs sont embourbés et qui entraînent une désaffection des citoyens vis-à-vis de la chose publique ; et enfin une demande croissante de sécurité à laquelle s’efforce prioritairement de répondre la puissance publique en appelant en permanence au dévouement et à la compétence de ses agents- qui courent au plus pressé.
Le deuxième scénario aborde l’implosion de la société française dans un monde tumultueux. La privatisation de nombreux services publics et le repli de l’Etat dans une fonction de maintien de l’ordre et d’ajustement au jour le jour, qui malgré une aggravation de la situation, permettent de résister péniblement à des explosions majeures.
Le troisième scénario prédit l’aggravation du terrorisme, le repli des Etats-Unis, des troubles en Asie et au Moyen-Orient, l’expansionnisme russe, l’ébullition méditerranéenne et des conflits européens générés par l’éventuelle adhésion de la Turquie. Ce troisième scénario prévoit des explosions majeures dans les banlieues, mais aussi parmi les étudiants, explosions majeures relayées par une grande partie des classes moyennes qui voient leur situation se dégrader.
Ce troisième scénario ajoute que les personnes les mieux nanties n’ont qu’une idée : partir à l’étranger ; que se développe une économie souterraine qui échappe à tout contrôle ; que le mécontentement général de la population se traduit par un climat de défiance généralisée, par une évasion fiscale sans précédent ; que les pouvoirs publics, manifestement surpris par l’ampleur des événements, n’ayant pas eux-mêmes réussi à moderniser leur administration et à accroître l’efficacité de leurs services, se trouvent cernés de toute part par les urgences et incapables d’y faire face.
Bouquet final, ce troisième scénario imagine que plusieurs gouvernements successifs ayant été obligés de démissionner car ils étaient totalement discrédités, tant en raison de leur discours décalé que de leur inefficacité sur le terrain, une crise politique majeure s’instaure, favorisant quelques partis extrémistes qui prêchent pour le rétablissement d’un ordre public par voie autoritaire. En conclusion, Futuribles précise tout de même que cette évolution à moyen et à long terme, bien qu’elle soit tout à fait possible, n’est en rien inéluctable.
Le quatrième scénario délire quelque peu sur le beau temps après la pluie, mais spécifie néanmoins qu’un nouveau contrat social est instauré aux alentours des années 2010 marqué par une très grande simplification des dispositifs de protection sociale, y compris des clauses empêchant les ‘allocataires’ (r-mistes, chômeurs) de s’installer dans un système d’assistance sociale nuisible. Une réforme de grande ampleur s’accompagne d’une redéfinition claire des missions imparties à l’Etat qui, ce faisant, devient à la fois plus modeste, plus moderne et davantage stratège.
Le cinquième scénario prévoit que la France bougera grâce aux élus locaux qui entameront une rénovation radicale de la société française : les communes se regrouperont, 6 à 10 grandes régions se constitueront, aux côtés d’un Etat modeste recentré sur ces missions régaliennes et de coordination.
Sur ce cinquième scénario, les experts du Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire ont greffé l’idée futuriste – la fiction ? – qu’à l’issue des troubles importants que la société française aura connus au cours des années 2006-2012 durant une période où les pouvoirs publics s’étaient avérés manifestement incapables de contrôler les événements, ce seront cette fois les représentants de la société civile et les élus en premier lieu qui exploreront ensemble les fondements d’une nouvelle constitution marquée par une réhabilitation du pouvoir parlementaire et la redéfinition du pouvoir exécutif, sur des bases assurément plus modestes mais autrement mieux définies.
Miguel Garroté
(1) http://www.bakchich.info/article3241.html
(2) Rapport de synthèse, 28 mars 2006, groupe Futuribles (Hugues de Jouvenel et Geoffrey Delcroix) pour le ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.
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