Shimon Peres à Paris : Sarkozy un ami ?
Si vous êtes fatigués d’exister, passez directement au dernier paragraphe, intitulé Résumons et concluons. Le lundi 10 mars, à 13h17, l’European Strategic Intelligence and Security Center (ESISC) écrit : « Le président israélien Shimon Peres a quitté ce lundi Israël pour la France (…) pour une visite d'Etat de cinq jours, au cours de laquelle Il sera reçu par le président français Nicolas Sarkozy (…) La France soutient que la meilleure réponse à l’attentat terroriste perpétré jeudi à Jérusalem (ndlr huit élèves d’une école de Jérusalem abattus jeudi 6 mars) est de ‘relancer les négociations de paix afin de parvenir le plus rapidement possible à la création d’un Etat palestinien viable’ (…) Un communiqué de la présidence israélienne a précisé que le dossier iranien et les négociations de paix engagées avec l’Autorité palestinienne seraient au centre des entretiens politiques entre les deux dirigeants. Avant son départ de Jérusalem pour Paris, Shimon Peres a par ailleurs ‘exprimé sa reconnaissance envers le peuple français pour l’aide qu’il a fournie à Israël à des moments difficiles pour le doter d’une capacité dissuasive’ (ndlr la France avait fourni dès 1956 à Israël un réacteur et de l’uranium ; l’imprévisible de Gaulle avait fait marche arrière ; mais l’armée française avait néanmoins tenu ses engagements ; il y a des hommes qui tiennent paroles et d’autres pas). Par ailleurs, le président israélien inaugurera jeudi prochain le Salon du livre de Paris, dont Israël est cette année l’invité d’honneur. L’Arabie saoudite, l’Iran, l’Algérie, le Yémen, le Liban, l'Union des éditeurs tunisiens et l'ISESCO (Organisation islamique de l'éducation des sciences et de la culture), qui représente 50 pays membres, ont déjà annoncé qu’ils boycotteraient cette manifestation culturelle ».
Le même lundi 10 mars, à 21h54, soit huit heures après l’ESISC, Emmanuel Jarry, du bureau parisien de l’agence de presse britannique Reuters, dans une dépêche reprise par lexpress.fr, écrit : « Nicolas Sarkozy a de nouveau souhaité lundi la création d’un Etat palestinien d’ici la fin de 2008 (…) ‘En tant qu’ami, je vous dis que la sécurité d’Israël passe par l’arrêt de la colonisation’, a-t-il ajouté (…) Les autorités israéliennes ont annoncé dimanche un projet de construction de 750 nouveaux logements dans une colonie juive en Cisjordanie (…) Shimon Peres a pour sa part célébré l’amitié entre la France et Israël. Il a prononcé un éloge appuyé de Nicolas Sarkozy, qui ‘se considère comme un ami véritable du peuple juif (...) et ami honnête et vrai de l’Etat d’Israël (...) sans aucune ambiguïté. J'ai rencontré un président plein d’énergie, plein de jeunesse. C’est un nouveau vent qui souffle sur l’Europe, un homme qui dit ce qu’il a sur le coeur de façon claire et nette, sans détours’, a-t-il déclaré devant la presse. Il a souligné que cette rencontre le ramenait à ‘l'âge d’or’ des relations franco-israéliennes, aux débuts d’Israël. Lors du dîner, Shimon Peres a rappelé qu’il était venu en France lors de la première guerre israélo-arabe, en 1947-48, chercher des armes, alors que les appels à l’aide du nouvel Etat se heurtait au refus des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. La France, a-t-il rappelé, avait alors fourni à Israël des avions, des canons et des missiles. Les deux chefs d’Etat ont évoqué lors de leur entretien la lutte contre le terrorisme, quatre jours après l’attentat commis par un Palestinien dans une école talmudique de Jérusalem, et la crise du nucléaire iranien. ‘Lui (Nicolas Sarkozy) comme nous sommes d’accord pour voir en l’Iran le plus grand danger aujourd’hui’, a dit Shimon Peres. ‘L’Iran est aujourd’hui un centre du terrorisme’».
Le lendemain, mardi 11 mars, à 07h03, l’Agence France Presse, dans une dépêche reprise sur lexpress.fr, écrit : « Le président israélien Shimon Peres a entamé lundi une visite d’Etat en France en se félicitant du resserrement des liens franco-israéliens, malgré des divergences sur la poursuite de la colonisation dont son homologue Nicolas Sarkozy a demandé ‘l'arrêt’. M. Peres a également affirmé, à sa sortie d’un entretien avec M. Sarkozy que les deux pays étaient d’accord pour voir dans un Iran qui possèderait l’arme atomique ‘le plus grand danger qui menace aujourd'hui’ la sécurité du monde (…) Le président français a assuré lundi soir à son homologue israélien que ‘la France sera toujours aux côtés d’Israël quand son existence sera mise en cause. Ceux qui appellent de manière scandaleuse à sa destruction trouveront toujours la France face à eux, pour leur barrer la route’, a-t-il prévenu (…) Le président israélien doit rencontrer mardi le Premier ministre François Fillon, ainsi que les présidents de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer et du Sénat Christian Poncelet (…) M. Peres, dont le pays célèbre le 60e anniversaire de sa création, sera également l’hôte jeudi du Salon du Livre de Paris (…) où 39 auteurs israéliens sont attendus ».
Le même mardi 11 mars, à 07h08, 20 Minutes, écrit : « Pascale Andréani, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, avait (…) condamné la poursuite de ‘l’expansionnisme qui porte atteinte à la viabilité du futur Etat palestinien’, appelant les autorités israéliennes à ‘s’abstenir de toute action unilatérale qui pourrait préjuger du statut final des territoires palestiniens, et remettre en cause le processus de paix’. Cette condamnation intervient d’ailleurs au moment où le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a donné son feu vert à la construction de centaines de nouveaux logements dans la banlieue de Guivat Zeev, au Nord de Jérusalem. Interrogé sur cette décision, au cours d’un bref point de presse, Shimon Peres a nié qu’il s’agisse d’une ‘nouvelle colonie juive’, en précisant : ‘Je ne pense pas qu’Israël crée de nouvelles implantations, et nous n’avons pas l’intention de modifier cette politique’».
Résumons et concluons. D’abord, résumons. Selon Sarkozy, la meilleure réponse à l’attentat terroriste perpétré jeudi à Jérusalem qui a tué huit élèves est de relancer les négociations de paix afin de parvenir le plus rapidement possible à la création d’un Etat palestinien viable. En tant qu’ami d’Israël, Sarkozy dit que la sécurité d’Israël passe par l’arrêt de la colonisation. Pascale Andréani, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, condamne la poursuite de l’expansionnisme israélien en Cisjordanie qui porte atteinte à la viabilité du futur Etat palestinien, appelant les autorités israéliennes à s’abstenir de toute action unilatérale en la matière. Sarkozy ajoute par ailleurs que la France sera toujours aux côtés d’Israël quand son existence sera mise en cause. Ceux qui appellent de manière scandaleuse à sa destruction trouveront toujours la France face à eux, pour leur barrer la route, renchérit Sarkozy. Le président israélien Shimon Peres parle de convergence sur l’Iran entre Israël et la France. Mais Sarkozy ne parle pas de convergence sur l’Iran entre la France et Israël. Et lorsque Sarkozy se déclare ami d’Israël, c’est essentiellement pour réclamer l’arrêt de la colonisation en Cisjordanie.
Maintenant, concluons. Shimon Peres, dont tout observateur du Moyen Orient connaît l’habileté politique et diplomatique, a insisté, avant même son arrivée en France, d’une part, sur le dossier iranien ; et d’autre part, sur l’amitié franco-israélienne. Depuis son arrivée en France, Shimon Peres insiste, d’une part, sur la convergence à propos de l’Iran entre Israël et la France ; et d’autre part sur l’âge d’or retrouvé dans les relations franco-israéliennes. Sarkozy en revanche ne semble piper mot sur la convergence à propos de l’Iran.
Et Sarkozy évoque son amitié envers Israël essentiellement pour attaquer dans la foulée les colonies juives de Cisjordanie. Qui plus est, Sarkozy parle au futur et non pas au présent lorsqu’il s’agit de barrer la route à ceux qui appellent à la destruction d’Israël : « la France sera toujours aux côtés d’Israël quand son existence sera mise en cause. Ceux qui appellent de manière scandaleuse à sa destruction trouveront toujours la France face à eux, pour leur barrer la route ». Or, l’existence d’Israël est déjà mise en cause dans le présent. Par conséquent, selon les maximes de Sarkozy, la France devrait être déjà maintenant aux côtés d’Israël. Et toujours selon les maximes de Sarkozy, ceux qui appellent à la destruction d’Israël devraient déjà maintenant retrouver la France face à eux pour leur barrer la route, par exemple pour barrer la route à l’Arabie saoudite. Les mots sont émouvants mais décalés dans le réel. Cela fait 60 ans que le monde musulman veut détruire Israël.
C’est surtout dans les actes et non pas tant dans les paroles qu’on évalue le véritable degré d’amitié. Force est de constater que déjà les paroles, sans parler des actes au demeurant quasi-inexistants à ce jour, déjà les paroles sont moins amicales qu’elles n’en ont l’air en première lecture. Par exemple, la France de Sarkozy parle de colonies juives dans les territoires occupés. En ami d’Israël, on ne parle pas ainsi. En ami d’Israël, on parle de communautés israéliennes dans les territoires disputés de Judée Samarie. En ami d’Israël, on ne déclare pas que la seule réponse au meurtre d’élèves israéliens à Jérusalem, c’est la création d’un Etat palestinien dès cette année. Shimon Peres oserait-il dire que si un terroriste corse assassine huit élèves à Paris on devra accorder un Etat indépendant aux Corses dès cette année ? L’autre jour à la télévision française, le porte-parole des étudiants palestiniens à Paris a refusé de condamner le meurtre de huit élèves commis par un terroriste à Jérusalem. Il y a peu, Mahmoud Abbas, président de l’autorité palestinienne, a déclaré à un journal jordanien, que c’est seulement pour l’instant, qu’une guerre palestinienne contre Israël, est inopportune. Pascale Andréani, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, vient de condamner la poursuite de « l’expansionnisme » israélien, appelant les autorités israéliennes à « s’abstenir » de toute action « unilatérale ». Pourquoi Nicolas Sarkozy et Pascale Andréani ne condamnent-ils pas les 6500 roquettes palestiniennes lancées sur des civils israéliens ces dernières années ? Pourquoi ne condamnent-ils pas les propos récemment tenus par Abbas dans un journal jordanien ? Pourquoi la dame du Quai d’Orsay n’appelle-t-elle pas le gouvernement terroriste Hamas à « s’abstenir » de toute action « unilatérale », je veux parler des 6500 roquettes. Si vraiment Sarkozy est l’ami d’Israël, un effort supplémentaire serait le bienvenu. En attendant, Seigneur, préservez-nous de nos amis ; nos ennemis, nous nous en chargeons.
Miguel Garroté
http://www.monde-info.blogspot.com
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